18 décembre 1942 l'Échappée aux convois (2)

Publié le 24 Décembre 2020

L’École  de  Gratens  a été ma première école... Les élèves m'appelaient
oh le Garçon...oh le Garçon. J'étais la seule à porter un pantalon...j'ai supplié Madame Cazelles de me tricoter des "guêtres", parallèlement elle m'a appris les différentes aiguilles à tricoter des toutes petites pour les chaussettes à quatre aiguilles à monter des mailles, le point de riz, le jersey...Cette famille qui nous hébergeait avait un Grand garçon CHRISTIAN qui était marin sur le "NORMANDIE" il était soigné de la tuberculose...je regardais partout pour savoir où elle était.
Il m'a offert un napperon qu'il avait fait pendant sa convalescence avec des marguerites aux pétales tout blancs aux cœurs tout jaunes. J'étais fière de son cadeau. J'aimais parler aux pétales des marguerites vraies " je t'aime...un peu beaucoup..pas du tout" et demander aux pétales : Christian pour moi ?   Sa sœur Jeanine avait eu la poliomyélite elle avait du mal à prononcer les mots elle adorait mon frère.  Monsieur Cazelles "masseur" était un ancien Maître d'armes qui avait exercé à Metz il avait établi des relations avec notre famille. Mr Cazelles  est parti rejoindre sa maison de famille à Gratens quand les Allemands qu'il n'aime pas sont entrés en guerre, proposant son aide si nous en avions  besoin.  Il a appris à mon frère Paul 10 ans à tirer au revolver...il fallait
VISER...VISER mon frère visait très bien. Un monsieur -inspecteur- est venu regarder le jardin de Mr. Cazelles, il dit en comptant de jolies plantes avec comme du duvet vert "C'est bien la totalité de ce que vous avez -12 pieds de tabac-" le monsieur inspecteur est parti, heureusement il n'est pas monté au grenier. Nous sommes restés presqu'un an à Gratens j'ai appris à écrire, et j'ai compris que des mots que l'on entend pareils  peuvent s'écrire différemment, par exemple les mots cueille et feuille.  Parfois quand il fait beau le maître nous emmène en promenade,  nous apprenons à dessiner  il faut voir "la perspective" je fais comme les autres écoliers j'avance à bout de bras  mon crayon et cherche où est la perspective, le maître me dit -tu vois c'est la ligne des sommets des Pyrénées.  Je fais semblant avec mon crayon au bout des doigts en essayant de copier...Le soir il faut fermer les volets, ne pas laisser voir de lumière allumée, l'ampoule de la cuisine est peinte en bleu comme ça les avions ne nous voient pas et n'envoient pas de bombe... C'est la guerre. Mon frère et moi  avons le droit de descendre du grenier le matin quand nous attendions trois coups de balai contre le plafond ...Nos valises ne sont pas déballées elles dorment à côté de nous. Je vois sur le lavabo la bouteille de "sent bon" en forme de cape de maman d'un bleu sombre intense  avec  un bouchon argenté c'est écrit BOURGEOIS. 
Mon frère a aidé un "copain d'école" à garder des vaches quand il est revenu il a vomi tout rouge à table, ma mère a crié -du sang du sang. Mme Cazelles à dit -non c'est du Vin- C'était vrai les 2 garçons avaient bu chacun deux bouteilles. La fois où mon frère m'a dit de traverser la cour dans la neige avec mes pantoufles toutes neuves qui se sont totalement décolorées, ma mère l'a puni en le battant avec une cuiller en bois elle s'était mise à califourchon sur le dos de Popol couché par terre ; j'ai quand même eu pitié. -Arrête maman arrête- la cuiller s'est cassée.
En fin de journée le curé vient et joue à la belote avec ma mère, un tout petit bout de bougie qu'il faut remplacer souvent éclaire la table de jeu. Mme Cazelles n'était pas contente elle disait -vous utilisez les bougies de l'église ça n'est pas bien- le curé répondait " les petits bouts ne peuvent plus servir à l'église".
Papa vient nous chercher, j'ai honte de partir et  de quitter Mme Cazelles. Puis le grand voyage pour arriver à Cambes où la voiture penche jusqu'à tomber dans le fossé...Un paysan avec 2 bœufs attelés à une charrette  nous sortent de là. Cambes, là aussi R
ÉFUGIÉS nous sommes des RÉFUGIÉS.  Mon frère m'indique qu'un petit poulet boîte dans la ferme des Delsahue, qu'il faut le tuer parceque les autres se moquent de lui...Popol lui a tordu le cou et nous nous sommes assis sur lui en le recouvrant de paille au bord d'une grande meule de paille... Mr Delsahue "pépé" nous a vu, il a tout raconté et ma mère nous a  fait monter dans la chambre ...
"Criez mes enfants, criez" en faisant  semblant de nous frapper avec un cintre...
A Cambes nous avons retrouvé une partie de la famille.Et puis à nouveau PARTIR.

C'est la guerre, et c'est l’École Jeanne d'Arc les élèves  les prières chaque jour, les merveilleuses histoires des Saintes et des Saints, le LEVER  des COULEURS, le chant de tout notre cœur -Maréchal...Maréchal- Je veux être comme Sainte Blandine, je veux être une Martyre. J'apprends tout à l'école, interne je suis dans mon domaine. J'ai même une petite caisse en bois Maman que je vois en fin de semaine me met du manger, du beurre pour la semaine...
Ce beurre qui devient "RANCE"de jour en jour..RANCE où c'est ? FRANCE ?


Nous devons porter attaché autour du cou reposant sur la poitrine  une petit sac dans lequel il y a du CAMPHRE . C'est pour éloigner les maladies. 
Popol est interne au collège Champollion.

Dès mon baptême le 18-XII-1942 je ne veux plus être juive...Les idées se bousculent et je découvre la notion du
POUVOIR- Je peux les dénoncer aux Allemands, ils peuvent les prendre,  mais je ne veux pas qu'on prenne mon frère.  Alors SILENCE, sinon on nous prend on nous pique, on nous brûle, on nous tue.
Ne dis rien, ni où est ton père, ni ce qu'il fait, ne raconte rien de nous.

Au carrefour un jour de sortie deux miliciens arrêtent les passants. Je passe sur le côté avec mon cartable chaque doigt sur un autre ça forme une pince tellement j'ai peur, lorsqu'un monsieur traverse la route, il me prend mon cartable, penche sa tête de mon côté, m'entoure  ..-t'as des rhumatisses ? on dit rhumatismes...Je n'ai le droit de ne parler à personne. Arrivés au bout de la route il me laisse et s'en va sans avoir été arrêté par la milice. Je l'ai sauvé ce jour là : s'il avait su qui j'étais !...

Mon frère lui aussi revient en fin de semaine il avait inventé le jeu de la
RÉSISTANCE  Il me battait en disant que si je criais il me dénoncerait aux Allemands... Jusqu'au jour où à bout de forces j'ai crié ma mère a entendu. Popol a cessé de me battre.
Il trouvera d'autres stratagèmes pour me faire peur, des RAFLES, des Allemands.

Un Monsieur c'est écrit sur les murs, sûrement un très gentil Monsieur                                       DU BEAU-DU BON -DUBONNET 
                  Je voudrai être comme lui puisque c'est écrit-
                                                              Faire les Bonnes Actions

Les prières, la Messe, le confessionnal..."Je confesse à Dieu Tout Puissant..."
                                       ÂMES VAILLANTES UNIES-                                                             Attendre pour être avec les JEANNETTES et ÉCLAIREUSES.
                 Quand vais-je pouvoir faire ma Communion Privée ?


    Après s'être confessée il faut faire ce que le curé a dit...
       Réciter des Pater et des Ave... pour réparer nos fautes.

Mea Culpa, mea culpa, mea maxima culpa, c'est ma faute,
                c'est ma faute, c'est ma très grande faute

                               Le prêtre sort du Confessionnal  -
                                            -Tu Bavardes me dit-il...
                                   -mais non mon Père-Je récite...

                                      Tais-Toi- SURTOUT TOI-

                             La MORSURE de Juif se colle à moi...
                                              " Surtout TOI "

                            Demain Ce sera NOËL Bon NOËL à TOUS.

         J'aurai certainement un Cadeau le 25 décembre 1942...A demain...

Le Père Noël viendra dans la journée du 25-XII- et déposera un paquet de dragées. Je n'ai jamais aimé les dragées.                                                      On m'en a beaucoup offert comme sage femme.                                        
Je quitte FIGEAC pour le Couvent de MASSIP avec un nouveau NOM,  un faux nom après le faux prénom : on m'appelle Marguerite CORDIER
1) Massip fin 1942 à Juillet 1944- Mesdames les Religieuses de la
Congrégation Les Filles de Marie Notre Dame
2) Ysseps  de mi-44 au 8 mai 1945-chez Mr et Mme Poulet avec interdiction d'aller à l'école.

Grâce à la directrice de l'école qui sans me poser de question, m'apportait des livres chaque semaine j'ai pu lire des Dizaines et des dizaines de livres dont ceux de la mythologie. Alea Jacta est.

                8 Mai 1945 La Guerre est finie !

 

Rédigé par Margot Thieux

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